Né au Tibet, façonné en Suisse : l’histoire derrière Tenz Momo
De son enfance au Tibet à ses premiers momo dans les festivals de street food zurichois, jusqu’à la création d’une entreprise de plus de 200 employés – Tenzin Tibatsang, fondateur et CEO de Tenz Momo, raconte son parcours dans une interview.
Monsieur Tibatsang, pouvez-vous vous présenter brièvement ?
Je m’appelle Tenzin Tibatsang, j’ai 34 ans et je suis le fondateur, propriétaire et CEO de Tenz GmbH, connue sous le nom de Tenz Momo. Né au Tibet, j’ai fui avec ma famille vers l’Inde à l’âge de cinq ans. Après quatre ans et demi dans un village d’enfants tibétains au nord de l’Inde, je suis arrivé en Suisse à l’âge de neuf ans. Après avoir terminé ma scolarité, j’ai suivi une formation de graphiste et travaillé ensuite quatre ans et demi dans une agence de publicité.
Avez-vous suivi une formation dans la gastronomie ?
Non, je n’ai pas suivi de formation dans la gastronomie.
À quel moment avez-vous réalisé que votre concept avait du potentiel ?
Déjà lors des premiers festivals de street food, les retours étaient très positifs. Une étape importante a été l’ouverture de notre premier restaurant au Lochergut à Zurich. L’affluence était telle que les clients attendaient parfois plus d’une heure pour avoir une table – c’est à ce moment-là que j’ai senti que notre modèle d’affaires tenait la route.
Comment s’est déroulé le chemin entre la création et aujourd’hui ?
En août 2015, j’ai fondé la GmbH et au début je travaillais presque seul. En 2017 a suivi le premier restaurant avec les premiers employés. Jusqu’en 2022, j’ai dirigé l’entreprise avec deux amis. Aujourd’hui, nous employons plus de 200 collaborateurs. Cela entraîne de nouveaux défis et exige des structures claires ainsi qu’un bon leadership. Actuellement, la direction est composée de trois personnes, et en tant que CEO, j’assume la responsabilité globale.
Qu’est-ce qui distingue la gastronomie des autres secteurs ?
La gastronomie a une force particulière : elle crée des ponts entre les cultures. Manger, c’est plus que se nourrir – c’est une expérience qui suscite des émotions et relie les gens. Cette composante émotionnelle forte rend notre secteur unique. En même temps, il est très exigeant – avec la hausse des coûts, le manque de personnel et les effets persistants de la pandémie de Covid.
En quoi ce parcours vous a-t-il fait grandir personnellement ?
Au cours des dix dernières années, j’ai surtout développé mes compétences en leadership et ma flexibilité. J’ai appris à formuler des visions claires, à motiver mon équipe et à prendre des décisions rapides dans les situations difficiles. Ces expériences m’ont rendu plus résilient – et m’ont montré à quel point la communication, la persévérance et la volonté d’apprendre sont essentielles.
Comment vous est venue l’idée d’ouvrir un stand de street food ?
Enfant, ma priorité absolue était d’apprendre l’allemand le plus rapidement possible et de m’intégrer au mieux. Après quelques années, j’ai cependant remarqué que je m’éloignais de plus en plus de la culture tibétaine. Pour préserver mes racines, je me suis engagé auprès de l’association Tibeter Jugend in Europa (VTJE). Fin 2014, j’ai commencé à vendre des momo lors de petites fêtes de quartier et de festivals de street food à Zurich – à l’origine pour soutenir des projets tibétains. Ce qui avait débuté comme un contrepoids à mon emploi de bureau et comme projet de dons privé est rapidement devenu une passion très prenante.
Pourquoi les momo ?
Les momo font partie de mes plats préférés depuis mon enfance. J’ai découvert à quel point notre communauté entretient un lien émotionnel fort avec ce plat. Les momo sont souvent préparés lors d’occasions spéciales ou comme signe d’estime. De plus, leur préparation réunit toute la famille. Il était donc naturel d’en faire le cœur de mon projet. En même temps, le moment était idéal : les festivals de street food commençaient tout juste à gagner en popularité en Suisse.
Qui vous a soutenu au début ?
En tant que personne venue d’un autre domaine, je dépendais beaucoup du soutien de ma famille et de mes amis. Mes parents, en particulier, m’ont beaucoup aidé pendant les premières années. Plus tard, deux amis d’enfance m’ont accompagné, et ils jouent encore aujourd’hui un rôle important.
Avec quelle intention avez-vous commencé ?
Au début, je voulais utiliser les revenus pour soutenir des projets et associations tibétains. Mais l’entreprise a rapidement grandi et j’ai embauché de plus en plus de collaborateurs. Aujourd’hui, il s’agit aussi pour moi de créer des emplois avec des conditions équitables – en particulier pour les réfugiés tibétains, afin de leur faciliter l’intégration et l’entrée sur le marché du travail. Par exemple avec des cours d’allemand que nous proposons en interne.
Aviez-vous une stratégie au départ ?
Pas vraiment. En tant que non-initié à la gastronomie, j’avais beaucoup de respect pour ce secteur. J’acceptais volontiers tous les conseils, et je réalisais les projets avec les moyens dont je disposais à ce moment-là.